poèmes poèmes1

Éditions disdill, Genève, 2013

Litt voyageAlina

Écrire c'est traduire, pour faire surgir l'inconnu sur la page.

De Rabelais à Oscar Pastior, en passant par des recettes de cuisine ou des publicités, des textes anglais, italiens, allemands et même français, tout est bon pour la transformation ! Des opérations de fausse traduction tous azimuts : du son, du sens, du rythme pour faire surgir le poème sous le poème... Un recueil jubilatoire et irrévérencieux.

Extrait 1

PAGE 74 poemespoemes1 sbrissa EDdisdill doubelpage74 74 copie

Extrait 2

« Mot à mort »

 

A word is dead

When it is said,

Some say.

 

I say it just

Begins to live

That day.1

Un mot est mort

Quand on le dit

Dit-on.

 

Je dis qu'il vient

Juste à la vie

Ce son.

Un mot est mort

Si dit par les

Personnes.

 

Je dis qu'il vit

A peine s'il

Résonne.

Un mot est mort

Quand il est dit

Qu'ils bêlent.

 

Je dis qu'ici

C'est la vie qui

L'appelle.

Un mot est mort

Quand on le sort

Qu'on pense.

 

Je pense qu'on

Le met au monde

Alors.

Word is dying

With the saying

They think.

 

I think the sound

Is just living

Around.

 

1Emily Dickinson dans Poems

i P 7 2 poemespoemes1 presse

Presse 1

« Intraduisible, la poésie ? Isabelle Sbrissa fait poésie de cette impasse. Dans poèmes poèmes1 [1], elle se dote malicieusement d’une incompétence monstrueuse en matière de traduction.[2] Le titre du recueil en incarne le principe : l’écriture consiste ici dans la transformation exhibée comme telle de textes préexistants.  La conséquence de cette écriture au second degré est bien le dédoublement du produit poétique : les textes seconds n’ont de valeur et d’effet qu’en regard du texte d’origine ; on apprécie non pas un texte, mais la distance entre les textes. Leur disposition en miroir, de part et d’autre du pli de la page, autorise diverses lectures : une lecture « classique », une page après l’autre, ou un va-et-vient plus gymnastique. (...)

Cette écriture qui évacue la question du « que dir queue dir ? », renvoyant ainsi dos à dos les prétentions lyriques et ontologiques, nous rend à l’idiotie et met toutes nos langues en alerte dans une saine ébriété. Elle est aussi affirmation d’insoumission aux discours quels qu’ils soient : l’échantillon des textes détournés suffit à prouver que la poésie peut tout trahir et retrahir allègrement, ad infinitum. »

Typhaine Garnier, site Sitaudis, 2013